A la différence du bijou classique - conçu comme un art appliqué, selon des techniques d’orfèvre et avec des matériaux généralement précieux - un « nouveau bijou » a émergé depuis les années 1970, caractérisé par son hybridité et conçu comme un lieu d’expérimentation, installé aux frontières de l’art et du design. Ce ne sont plus seulement les questions liées au coût des matériaux et au statut social qui sont posées par ces nouveaux artistes bijoutiers, mais plutôt le positionnement culturel du bijou en tant qu’oeuvre d’art, en relation au corps. Le bijou est redéfini par eux comme une pratique pleinement intégrée aux arts plastiques.
Depuis toujours, le bijou a joué un rôle d’indicateur social, traduisant une appartenance à un groupe et intégrant l’homme dans la société, mais pouvant marquer également une volonté de différenciation, de contestation de l’ordre établi. Parure intime donc « singulière », le bijou parle de notre corps, des liens qu’il tisse avec autrui et avec l’environnement. Les bijoux n’ont pas toujours été fabriqués en or, en argent ou en pierres précieuses. Ils peuvent également être conçus avec des matériaux les plus divers et grâce à tous les assemblages possibles, en fonction des techniques, des symboles et de la culture en vigueur à une époque donnée. Depuis la réalisation de bagues sigillaires en faïence dans l’Égypte ancienne, ou d’ersatz en terre cuite dorée imitant l’or dans la Grèce et la Rome antique, la céramique a été abandonnée et oubliée pendant des siècles dans le domaine du bijou. C’est en 1773, en Angleterre, que son emploi resurgit lorsque Joshiah Wedgwood inventa une pâte de grès fin constituée de différentes strates colorées qui imitait parfaitement le jaspe, pour des bijoux aux motifs néoclassiques ou des sujets romantiques en camées. Dans l’époque contemporaine, c’est au créateur hollandais Peter Hoogeboom que l’on doit d’avoir réconcilié de la façon la plus novatrice le grès ou la porcelaine avec le bijou, à partir de 1994. A cette réapparition remarquée, fait suite l’excellente initiative de l’European Keramiek Work Centre (EKWC), situé à ‘s-Hertogenbosch aux Pays-Bas, qui a proposé à de nombreux orfèvres contemporains des résidences de trois mois, leur permettant de travailler toutes les possibilités de mise en forme de la céramique dans le domaine du bijou.
Parmi les différents matériaux céramiques disponibles, c’est la porcelaine qui a le plus souvent aujourd’hui la faveur des artistes du bijou. Qu’elle soit utilisée par modelage ou moulage, seule ou en association avec le métal, le bois ou la pierre, la porcelaine peut changer d’apparence, de couleur et de surface. Lisse et pure, à la fois fragile et de grande résistance, elle épouse toutes les formes recherchées à condition d’en maîtriser les techniques et les contraintes, particulièrement celle liée à sa forte rétraction lors de la cuisson. Encore largement liée dans notre imaginaire aux arts de la table ou à la froideur technologique du matériel scientifique, la porcelaine peut aussi devenir un objet de désir, un déclencheur de sensations visuelles et physiques, lorsqu’elle est transformée en bijoux, en s’adaptant parfaitement aux exigences conceptuelles et poétiques des créateurs d’aujourd’hui. La preuve en est faite avec un peu de terre sur la peau…
Le projet Un peu de terre sur la peau… a été initié par la Fondation d’entreprise Bernardaud : l’exposition a été présentée à Limoges du 16 juin au 16 octobre 2010, puis a voyagé au Museum of Arts and Design à New York (USA), du 15 mars au 4 septembre 2011) et au New Taipei City Yingge Ceramics Museum à Taipei (Taïwan), du 30 décembre 2011 au 5 février 2012.