Depuis ses origines, le Musée des Arts Décoratifs entretient un lien privilégié avec la thématique des femmes créatrices. En effet, c’est dans un contexte de débat sur la place des femmes dans la société qu’est fondé en 1895 le « Comité des Dames » au sein de l’institution.
Ces mécènes et donatrices défendent un féminisme modéré, soucieux de ne pas bousculer l’ordre établi et le modèle traditionnel de la famille, tout en cherchant à obtenir des avancées en matière de droits sociaux. Elles encouragent et encadrent la formation artistique des femmes en organisant des concours et des expositions, mais aussi en fondant une école d’arts décoratifs en 1897, qui va perdurer jusqu’en 1988. Dora Maar et Charlotte Perriand, entre autres, y feront leur apprentissage.
Le Comité des Dames est présent dans l’exposition au travers d’une period room restituant une chambre d’enfant de style Art nouveau, installée dans le pavillon de l’Union centrale des Arts Décoratifs lors de l’Exposition universelle de 1900. Sont également montrées dans l’exposition les œuvres de lauréates des concours du Comité, dans des domaines comme le papier peint, le textile, le cuir, l’ameublement, l’éventail ou la céramique.
Tout au long du parcours apparaissent de grandes figures féminines qui entretiennent très tôt un rapport singulier et historique avec les arts appliqués, telles que la princesse Tenicheff, qui fait revivre les techniques traditionnelles russes, ou la créatrice Suzanne Lalique, dont l’œuvre est éminemment éclectique. Puis viennent les femmes qui participent aux avant-gardes historiques de la première moitié du XXe siècle comme Hélène Henry, Sonia Delaunay, Elsa Schiaparelli, Charlotte Perriand et Eileen Gray.
La période contemporaine révèle les célèbres artistes que sont Niki de Saint-Phalle, connue pour ses célèbres Nana ; Maïmé Arnodin et Denise Fayolle, qui fondent Mafia - l’un des premiers bureaux de style ; la créatrice de mode japonaise Rei Kawakubo (Comme des Garçons), dont le mobilier, créé pour ses boutiques, mêle des influences orientales et occidentales ; Matali Crasset, qui remet en question les typologies et les pratiques traditionnelles du design ; ou encore les créatrices néerlandaises comme Hella Jonguerius, qui allient des techniques artisanales et industrielles.
Des sections thématiques viennent enrichir le parcours, dont l’une est consacrée au textile, devenu depuis le XIXe siècle un champ expérimental foisonnant, avec des femmes comme Véra Szekely, dont les boîtes répètent les mêmes éléments déclinés sous différentes versions, ou Sheila Hicks, dont les oeuvres au croisement de la sculpture et de la tapisserie renouvellent l’art du tissage au début des années 1960.
Des bijoux jalonnent ce parcours avec des créations de Monika Brugger, qui exploite le thème du dé à coudre, de Jacomijn Van Der Donck, qui travaille l’argent comme de la dentelle, et les objets emmaillotés de Laurence Verdier.
La céramique, très bien représentée dans les collections du musée, est également un domaine où les femmes se sont particulièrement exprimées et émancipées. Des créatrices comme Guidette Carbonell, Suzanne Ramié, Jacqueline Lerat ou Martine Damas conçoivent, à partir de la terre, des formes sculpturales.
L’exposition s’achève sur une note humoristique avec Vous avez dit femme ? : plusieurs créatrices comme Sophie Hanagarth, Valérie Delarue ou Gabrielle Wambaugh s’expriment sur des registres variés avec ironie, évoquant une certaine vigueur, voire un travail en force dans le geste créatif et la prouesse technique.