Pendant un demi-siècle, l’Union enrichit considérablement ses collections grâce à une pléthore d’acquisitions comme les dons successifs de Jules Maciet, riches en tapis persans1 ou le legs de Léon Dru en 1904, constitué d’un ensemble important de laques japonais. L’institution profite également de ses relations avec les collectionneurs marchands auprès desquels elle achète des œuvres et qui, en retour, offrent des pièces, à l’instar de Raoul Duseigneur, Florine Langweil, Paul Pannier ou Siegfried Bing, dont le rôle a été si important pour le japonisme en France. C’est d’ailleurs lors de l’« exposition de la gravure japonaise » organisée par ce dernier à l’École des beaux-arts en 1890 que Raymond Kœchlin se découvre une passion pour les arts orientaux2. Ce dernier participe ensuite, aux côtés de Gaston Migeon, à l’organisation de l’exposition d’art musulman en 1903 au pavillon de Marsan, et donne des céramiques et des masques du Japon. La philanthropie accompagne une politique d’acquisitions à l’occasion de grands événements, tels que l’ Exposition universelle de 1878, lors de laquelle l’Union achète un grand nombre d’objets, des échantillons de laques et un écran de bronze incrusté auprès de la section japonaise, ou la vente de la collection Albert Goupil en 1888.
D’abord seule dans le paysage muséal parisien à exposer les arts orientaux, l’Union centrale est rejointe par le musée ethnographique du Trocadéro en 1878, le musée Guimet en 1889, le musée Cernuschi en 1898, puis l’ouverture des salles orientales du Louvre en 1905. Malgré ces autres institutions, les collectionneurs n’oublient pas l’Union. Gaston Migeon, par exemple, donne des miniatures persanes et des verres orientaux entre 1907 et 19333. Il faut également citer Hugues Krafft, collectionneur, voyageur et photographe, qui donne pendant plus de quarante ans des tapis turcs, des céramiques orientales, des coiffures asiatiques, en plus des photographies réalisées lors de ses différents voyages. Les collections chinoises sont complétées par un ensemble important d’émaux cloisonnés grâce au don de David David-Weill en 1923 et au dépôt de la collection de la baronne Salomon de Rothschild quelques mois plus tard par la fondation Salomon de Rothschild.
La place allouée à ces collections est révélatrice des missions spécifiques qui leur incombent. Parce qu’il s’agit d’encourager les artistes à rénover les arts décoratifs à l’aune d’un prisme nouveau qui n’est plus celui de l’héritage classique et académique, les arts orientaux ne sont pas intégrés au classement par matériau qui est appliqué au sein du musée ouvert temporairement au palais de l’Industrie entre 1880 et 1896, ni même dans le parcours chronologique du musée inauguré rue de Rivoli en 1905. Les arts orientaux restent présentés séparément. Les expositions temporaires les mettent en exergue régulièrement dans un premier temps. Dès 1906, la Nef accueille une exposition sur les textiles du Japon puis, de 1909 à 1914, cinq expositions sur l’estampe japonaise se succèdent, parallèlement aux expositions sur les inros et les sabres japonais en 1911, les laques en 1912 et les masques en 1913. L’Islam n’est pas pour autant oublié – avec l’exposition sur les étoffes de Perse et de Turquie en 1907 et celle sur les miniatures persanes en 1912. Il en est de même pour la Chine avec l’exposition d’estampages d’anciennes sculptures chinoises en 1912.
Pourtant, au cours du XXe siècle, les collections extra-européennes perdent progressivement leur place au sein du musée et les acquisitions sont plus rares après la Première Guerre mondiale. À la fin des années 1970, les œuvres sont mises en réserve et en 2005 les objets d’art de l’Islam sont déposés au musée du Louvre. Aujourd’hui néanmoins, l’institution tente de sortir les collections de l’Extrême-Orient des réserves et de l’oubli4.