Printemps-été 1976 - printemps-été 1977
Issey Miyake est né à Hiroshima en 1938. Sans jamais en faire état, il a été de ceux qui vécurent l’horreur de plein fouet. De cela ses vêtements gardent une empreinte (…) Sa formation est on ne peut plus académique et parisienne. Diplômé de la Chambre syndicale de la haute couture, il travaille à ses débuts pour Givenchy, confrontant deux conceptions opposées du vêtement qu’il unifiera en concevant le sien. En 1971, (…) il fonde sa propre marque de prêt-à-porter et présente son premier défilé à New York, puis à Paris (…).
Sa collection « A Piece of Cloth » en 1976 est un choc. (…) Elle s’articule autour d’un vêtement central, le Jumpsuit, ou combinaison extra large, resserrée aux chevilles et aux poignets, boutonnée sur le buste. En rayonne et en lin, la combinaison en beige, noire et olive, (…) prépare le terrain à une sensualité nouvelle, moins tapageuse que celle des années 1970, plus suggestive. Sur les photos qui abondent, les mannequins affublés de ces enveloppes molles, qui collent à la peau par endroits et la révèlent à d’autres, rendent obsolètes les modes environnantes. Miyake fabrique ses propres tissus, ses coloris, ses impressions. Au Miyake Design Studio à Tokyo, coffre-fort des savoir-faire japonais (…) il conçoit des vêtements poétiques. Place est faite aux gan-douras-pantalons, aux tuniques de soie fendues jusqu’aux hanches, aux tabliers retroussés sur des jupes noires, plissées ou des fourreaux de crêpe de Chine. « Brillant », « Définitif ! », « The best to date », ce défilé de péplums modernes signe une nouvelle iconographie vestimentaire pour la femme. (…)
Prêt-à-porter printemps-été 1980
Dès les années soixante dix, Issey Miyake est précurseur non seulement de modes singulières et novatrices mais aussi d’une pensée de mode que ne s’autorisent pas les autres créateurs et couturiers. Il ne raisonne pas en saisons mais en cycles de création, ce qui le conduit au gré des collections à travailler sans cesse une idée qu’il instruit jusqu’à maturité. En outre, il est le premier créateur à avoir investi la surface de l’exposition de mode sans appréhension ni crainte du format statique qu’elle donne aux vêtements. Regrettant le caractère éphémère et rapide du défilé de mode qui exclut un regard soutenu et de proximité sur le vêtement, Miyake développe tôt un système de présentation de ses créations sous forme d’expositions itinérantes dont « Issey Miyake Spectacle Bodyworks » qui s’est tenue au Musée d’Art Moderne de San Francisco en 1983 est la plus connue. Elle est aussi la plus fondatrice pour l’histoire contemporaine des expositions de mode, genre souvent méprisé par les créateurs car sans concession à l’égard des faiblesses de créations.
Miyake s’inscrit comme créateur et scénographe. Sur des mannequins conçus spécialement, véritables sculptures de fils comme c’est le cas pour son exposition « A Un » au MAD en 1988, les vêtements complexes ou simples, les matières archaïques ou technologiques s’imposent dans leur nudité et leur noblesse. La dimension plastique des vêtements de Issey Miyake est depuis ses débuts évidente. Elle le demeure définitivement avec les plissés qu’il met au point au début des années 90. Sa collection printemps été 1980 est à ce titre une confirmation de plus de son talent.
Au sein d’une histoire iconique des vêtements de mode au XXe siècle figureraient sans aucun doute entre autres la petite robe noire de Chanel, la robe Mondrian de Saint Laurent et les bustiers moulés d’or que le couturier réalisa avec les Lalanne. Le bustier anthropomorphe de plastique rouge de Issey Miyake, issu de la collection printemps été 1980 serait un trophée de plus qui ne dépareillerait pas.