« Couturier Superstar » révèle l’histoire de la médiatisation des couturiers et des créateurs de mode passés du statut d’artisan tailleur à celui de pop star. Cette manifestation est l’occasion, pour le musée de la Mode et du Textile, d’exploiter différents types de documents : les vêtements bien sûr, mais aussi tous les signes visant à identifier un couturier – sa griffe, son image et la façon dont il l’exploite à travers les médias. Etiquettes, vidéos, magazines, cartons d’invitations, dessins, publicités ou interviews filmées, illustreront donc cette évolution vers la reconnaissance artistique des couturiers tout en révélant des rapprochements thématiques inattendus.

Au XVIIIe siècle, tailleurs et couturières sont considérés comme des techniciens au service d’un vêtement dont la coupe varie peu. Le tissu et l’ornement sont alors les seuls signes de distinction d’un modèle à un autre. Rose Bertin, marchande de mode, est la première figure à imposer ses choix de manière péremptoire à une clientèle composée de reines et de princesses. Ses interventions portaient peu sur la coupe mais essentiellement sur les garnitures. Ce tempérament impérieux que l’histoire de la mode a retenu est à rapprocher de la personnalité d’Hippolyte Leroy, grand couturier de France et éminence grise de la politique somptuaire de Napoléon. La troisième figure de la mode au xixe siècle est Charles Frédéric Worth, qui instaure les codes de la haute couture. Il ouvre la première maison, inaugure le principe des collections renouvelées à chaque saison et présente ses vêtements sur des modèles vivants.

Au début du xxe siècle, les couturiers tels que Jacques Doucet ou Paul Poiret sont davantage associés à l’univers des arts. Le premier ouvre la tradition des couturiers collectionneurs (rejoint des décennies plus tard par Yves Saint-Laurent ou Karl Lagerfeld). Le second étend son activité à différents champs artistiques, il est tout à la fois décorateur, parfumeur et tisse des liens étroits avec les peintres, les sculpteurs, ou les cinéastes.

A l’initiative de Madeleine Vionnet, les vêtements créés sont protégés juridiquement de la copie au même titre que les œuvres d’art. Le couturier accéde ainsi implicitement au statut d’artiste.

Mais, c’est Coco Chanel qui, la première, utilisera les médias. A la fois créateur et modèle, elle est le premier couturier à construire sa propre mythologie. Son image largement diffusée par la presse est le reflet de la mode qu’elle souhaite imposer : les cheveux courts, le bronzage, le pyjama de plage… un luxe simple et raffiné. Elle porte ses propres créations et fait ainsi les plus belles pages de Vogue.

Puis les signes distinctifs des couturiers se multiplient : la signature, cette griffe qui authentifie le vêtement devient un logo lui-même repris comme motif, le choix d’une couleur (le vert de Carven, le bleu de Lanvin), la création d’un parfum (« Rosine » de Paul Poiret ou « Chanel n°5 » pour les tous premiers), la démultiplication d’un nom via les licences (Pierre Cardin) sont autant d’éléments qui évoquent le créateur au-delà de ses créations.

L’attitude de certains couturiers, alors, se radicalise : Yves Saint-Laurent ouvre scandaleusement la voie lorsqu’il se fait photographier nu, posant lui même pour son propre parfum. Dans l’hystérie des années 80, les défilés sont conçus comme de véritables shows où le couturier superstar exploite l’impact de son image. Là où certains jouent de leur « surexposition », comme John Galliano qui renouvelle son apparence au gré de chacune de ses collections, d’autres refusent de se montrer, comme Martin Margiela, dont on ne connaît que la trace de la paume de la main. D’autres encore, épousent littéralement l’image de la pop star, c’est le cas de Jean-Paul Gaultier qui enregistre disques et clips vidéos.

L’empreinte d’un pouce, une coupe de cheveux, un pull marin... quelques uns des signes évocateurs de ces couturiers (Madeleine Vionnet, Sonia Rykiel, Jean-Paul Gaultier, mais aussi Karl Lagerfeld, Jeremy Scott, Viktor & Rolf…) seront regroupés au travers d’une étude transversale à la chronologie. Elle sera étayée par les regards d’Olivier Chatenet et de Michèle Meunier, créateurs de E2, invités pour l’occasion par le musée de la Mode et du Textile. Utilisant habituellement des pièces anciennes dans leurs créations, ils procèdent à un stylisme qui annule les datations. Issues du travail de créateurs différents, leurs pièces sèment le trouble et perturbent cette multitude d’identités conservées. Le musée leur ouvre les portes de ses réserves, pour qu’ils choisissent, cette fois-ci, parmi les œuvres de sa collection.

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