Du 9 décembre 2004 au 27 mars 2005, le musée de la Publicité présente une exposition inédite en France et en Europe : Psy[k]é/Off the wall où 200 affiches psychédéliques des années 1960-1970 sont réunies. Nées en Californie à San Francisco, d’expérimentations tant graphiques et artistiques que sensorielles, ces affiches incarnent les aspirations d’une génération qui revendique le rock et la liberté individuelle.

En 1966, la ville de San Francisco devient le berceau d’une nouvelle génération, celle des hippies. Des milliers de jeunes arrivent des quatre coins des États-Unis pour s’installer dans le petit quartier ouvrier de Haigt-Asbury qui passe de 700 à 10 000 habitants.

Ils fondent une communauté autonome avec sa propre organisation sociale et ses codes : vestimentaire ; philosophique et spirituel avec la prise de LSD pour passer de l’autre côté du miroir et fuir la réalité ; graphique et artistique avec le début des happenings et l’organisation de grands rassemblements comme le Human Be-In, Monterey ou Woodstock ; et enfin musical, le rock psychédélique devenant le ferment des rejets et des espoirs.

Le mouvement hippy relève d’une utopie, et comme toute utopie, « pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux 2 », il est l’expression extrême d’un mouvement de rupture dont les causes se trouvent dans une crise des valeurs politiques et morales américaines, et dans le malaise d’une « génération silencieuse » de parents que leurs enfants, les baby-boomers, n’acceptent plus.

Le terme psychédélique a été utilisé la première fois par le psychiatre Humphrey Osmond pour qualifier les actions que les drogues hallucinogènes produisent sur la conscience en modifiant les sensations visuelles et auditives. Cette expérience est un « voyage » dans le monde de l’imaginaire, à l’instar de celui d’Alice au pays des merveilles.

Étymologiquement, le mot vient du grec psukhê « âme » et dêlos « visible ». Psyché, héroïne de la mythologie grecque, représente l’âme en quête d’idéal. « Le mythe de Psyché a figuré, par la suite, le destin de l’âme déchue qui, après des épreuves purificatrices, s’unit à l’amour divin 4. »

On ne peut évoquer le mouvement psychédélique et le LSD sans citer celui que l’on qualifia de « pape du LSD », Timothy Leary. Professeur à Harvard, il initie ses étudiants à divers hallucinogènes, persuadé que les drogues psychédéliques favoriseront l’avènement d’une nouvelle humanité, celle des brothers et des sisters. Exclu en 1963, il ouvre une communauté à Milbrook : la Castalia Foundation, revendiquée par certains comme lieu où les pionniers de la beat generation lancent la révolution psychédélique.

Les hippies voient dans les groupes de musique qui fleurissent depuis deux ans sur la côte ouest leurs nouveaux porte-parole. Le rock psychédélique devient leur principal moyen d’expression et de revendication. À San Francisco, les deux temples du rock psychédélique portent le nom de Fillmore et d’Avalon Ballroom où, trois ou quatre fois par semaine, les hippies viennent écouter des concerts et participer à l’expérience psychédélique qui nécessite la réunion de plusieurs éléments : une musique électrique forte, rythmique et répétitive, la prise de LSD, et des light shows, dont le maître incontesté est Bill Ham, qui décuplent la vision kaléidoscopique que procure le LSD.

C’est sous le patronage de ces deux grandes salles, dont les producteurs sont respectivement Bill Graham et Family Dog Production que l’art de l’affiche psychédélique se développe. Les affiches sont produites par une douzaine d’artistes majeurs, dont les plus importants sont surnommés les Big 5 : Wes Wilson, Victor Moscoso, Rick Griffin, Alton Kelley et Stanley Mouse, qui formeront le Mouse Studios.

Ainsi de 1966 à 1971 environ 600 affiches sont conçues pour annoncer les concerts des Charlatans, de Thirteen Floor du Grateful Dead, de Jefferson Airplane Elevators, de Jimi Hendrix, des Quicksilver Messenger Service, des Big Brother and the Holding Company, des Doors, du Velvet Underground, ou encore des Pink Floyd.

Participant à l’établissement d’une contre-culture les affiches psychédéliques, apparaissent dans les rues de San Francisco comme une attaque pacifique mais directe contre le conformisme de la société.

Les graphistes les réalisent à partir d’un répertoire de formes mouvantes et usent de couleurs vibrantes. L’expérience psychédélique – résultat de la prise de LSD- et les jeux de lumières des light show sont leurs sources d’inspiration les plus directes. Ils puisent également dans les théories de la couleur et les effets optiques de Josef Albers, ancien membre du Bauhaus, de l’Op Art naissant, mais aussi du Jugendstijl ou des affichistes du mouvement sécessionniste viennois (Gustav Klimt, Alfred Roller et Kolloman Moser) . Ces affiches sont pour la plupart composées par de fortes masses de lettrage laissant peu de place à l’image. La typographie est ondoyante et décorative à la limite de la lisibilité. Non seulement les artistes empruntent à l’Art Nouveau ses arabesques et son décor floral, mais vont jusqu’à s’approprier certaines images des affiches de Mucha ou Jules Chéret.

Très vite l’affiche de musique rock devient un média artistique populaire et influence considérablement le champ du graphisme publicitaire .

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