Avec cette exposition consacrée à la photographie publicitaire en France, de sa naissance dans les années 1930 jusqu’à nos jours, le musée de la Publicité veut rendre ses lettres de noblesse à un secteur de l’histoire de la photographie méconnu et donner une légitimité à ces photographes trop souvent considérés comme de simples exécutants de commandes. Ce constat est encore vrai aujourd’hui quand on voit qu’ils sont les oubliés des ouvrages et des lieux d’expositions consacrés à la photographie. Cette exposition s’inscrit dans le cadre du mois de la photo en novembre 2006.

Le parcours chronologique présente une sélection de 31 photographes qui se sont imposés par leur technique, leur registre formel et iconographique. Ils ont été choisis pour leur rôle de pionniers, pour un travail dont l’esprit de créativité a souvent fait école. La plupart, d’ailleurs, n’ont jamais considéré ce travail de commande comme mineur ou différent de leur travail personnel. C’est ainsi que 190 tirages photographiques et documents imprimés : annonces presse, plaquettes, catalogues se côtoient sans une quelconque hiérarchie dans leur statut.

C’est autour des années 1928-1930 que l’on peut dater la naissance de la photographie publicitaire comme véritable discipline. Dès 1929, des articles sur le sujet commencent à apparaître dans la presse spécialisée. En 1930, Charles Peignot, directeur d’Art et métiers graphiques, sort le premier hors-série consacré à la photographie.

Pendant l’entre-deux-guerres, les pratiques photographiques se décloisonnent. Des firmes industrielles éditent des brochures et des publications de luxe pour lesquelles elles font appel à de jeunes photographes qui vont marquer l’histoire de la photographie (Laure Albin-Guillot, Emmanuel Sougez). Des imprimeurs ouvrent des studios de photographie. Le studio Deberny-Peignot est dirigé par Maurice Tabard, celui de Draeger par François Kollar. L’imprimerie Lecram Press, fait appel à André Vigneau. Ces photographes, qui appartiennent à l’Ecole de Paris, travaillent le plus souvent dans le style de la Nouvelle Vision : les sujets familiers photographiés en gros plan sont magnifiés par l’angle de vue, par l’éclairage et le cadrage. Ils explorent également les recherches de l’avant-garde des années 20 (solarisation, rayogramme). Cette tendance correspond au désir de vouloir modifier le regard porté sur le monde : « La photographie est l’art de voir et de faire voir », dit Emmanuel Sougez.

Cependant, la conquête du marché publicitaire s’avère lente. Le premier affichiste à intégrer la photographie est Jean Carlu, utilisant cette technique comme un élément venant s’ajouter au dessin. Jusqu’alors réservée à vanter des produits de luxe, l’intégration de la photographie dans la publicité s’élargit au profit des produits de consommation de masse. Un grand nombre d’images, souvent anonymes, envahissent alors l’annonce presse des années 50. Sous l’influence du modèle américain, selon lequel il ne suffit pas de montrer un objet pour bien le vendre mais au contraire de le mettre en situation en montrant ses utilisateurs, on passe de la photographie d’objets à la photographie documentaire (Pierre Jahan, Marcel Bovis, Lucien Lorelle).

La technique de la reprographie en couleur permet le véritable déploiement de la photographie dans l’affiche vers le milieu des années 60. Associées aux nouvelles techniques d’imprimerie et de traitement informatique de l’image, ces nouvelles méthodes entraînent la disparition des affiches peintes au profit des photographies. De cette époque, décalée par rapport aux étapes de l’histoire de la photographie, date le début de la domination du médium photographique dans l’affiche publicitaire.

Aux côtés d’agences qui intègrent le photographe comme un simple exécutant, d’autres comme l’agence Delpire ou Mafia, pour ne citer qu’elles, se démarquent de ce flux d’images standardisées en faisant appel à des photographes choisis pour leur démarche artistique. Leur photographie n’est pas seulement l’illustration de l’article à vendre, mais devient le moyen de créer l’atmosphère, de suggérer une idée, de faire naître une sensation. Ainsi, en marge de la photographie documentaire de produits qui représente un fort pourcentage de production dans les années 1970, on trouve des photographies artistiques qui, elles, sont davantage au service de l’idée (Claude Ferrand, André Martin, Sarah Moon, Guy Bourdin).

Les années 1980 sont celles d’une professionnalisation importante du métier de photographe publicitaire et de l’apparition d’une école française dominée par Jean-Paul Goude, Serge Lutens, Jean Lariviere. Leur style, qui se distingue par l’influence de différents univers au détriment d’une photographie très spécialisée, s’impose sur la scène internationale.

Dans le contexte de la mondialisation que nous connaissons depuis une dizaine d’années, il est bien difficile de parler encore d’école française. On note par contre l’apparition de tendances qui font partie d’une stratégie de communication globale et commune aux différentes marques. La fin des années 1990 a vu se développer une tendance qualifiée de réaliste, qui s’inscrit en totale opposition avec le caractère conceptuel qu’avait la publicité jusqu’alors.

Aujourd’hui les moyens de communication, l’évolution des technologies, l’apparition du numérique engendrent des images qui se composent d’un assemblage de plusieurs documents de nature différente où la photographie n’est plus que l’une des composantes. C’est la règle du 1+1=3, où le 3 est devenu image et non plus photographie (Jean-Marie Vives, Dimitri Daniloff). La question est posée : s’engage-t-on, comme le laisse entendre Rémi Babinet, président et directeur de création de l’agence BETC-Euro RSCG, vers la création d’images à la place de la photographie ?

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