Les Arts Décoratifs consacrent au graphiste Philippe Apeloig, sa première importante rétrospective : 30 ans d’une carrière internationale qu’il met également en scène dans un livre, intitulé « Typorama », publié à cette occasion.

Nourri des courants du modernisme qui associent art et design (le Constructivisme, le Bauhaus, De Stijl), Philippe Apeloig puise son inspiration dans la passion qu’il cultive pour la peinture, les arts du spectacle et la littérature. Il travaille essentiellement pour de grandes institutions culturelles (le musée d’Orsay, le musée du Louvre, le théâtre du Châtelet ou la direction des musées de France), des éditeurs (éditions de La Martinière, Robert Laffont, Phaidon Press), des galeries d’art dont la Galerie Gagosian et la Galerie Achim Moeller, mais aussi pour des grandes marques (Puiforcat et Hermès). Philippe Apeloig rassemble ici plus de 150 affiches, logotypes, typographies, livres et identités visuelles, ainsi que de nombreuses études préparatoires.

Parcours

Né à Paris en 1962, Philippe Apeloig étudie à l’École supérieure des arts appliqués « Duperré » avant d’intégrer l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Ensad. À Duperré, il s’inscrit dans la section « expression visuelle », séduit par la dimension plastique qu’évoque cet intitulé, sans pour autant mesurer la réalité de cet enseignement. Ce choix sera pourtant déterminant car il y découvre la calligraphie, le travail minutieux de la lettre et, en 1983, il décroche un stage chez Total Design à Amsterdam, agence fondée en 1963 par Wim Crouwel, qui a profondément marqué l’environnement visuel des Pays-Bas. Avant-gardiste, elle utilise, dès le début des années 80, un outil révolutionnaire : l’ordinateur. Cette approche du graphisme ouvre à Philippe Apeloig des perspectives inédites sur les usages contemporains et expérimentaux de la typographie, et celui de la grille – comme structure pour la mise en page (les graphistes suisses en étant les pionniers). En 1985 lors d’un deuxième stage chez Total Design, il s’immerge plus encore dans la rigueur d’un travail en agence, et fréquente le Stedelijik Museum où il découvre la peinture de Mondrian et de Malévitch. Ces expériences déterminantes viennent enrichir son univers culturel. Sa sensibilité est alors principalement attirée par le théâtre et la danse contemporaine. Aucun spectacle d’Alwin Nikolaïs, de Merce Cunningham ou de Pina Bausch, ne lui ont échappé : d’où l’idée d’envisager la lettre comme un corps chorégraphié.

Musée d’Orsay, affiche Chicago

À 23 ans, Philippe Apeloig est engagé comme graphiste au musée d’Orsay où il met en œuvre l’identité visuelle conçue par Bruno Monguzzi et Jean Widmer qu’il admire particulièrement. Le musée ouvre au public en décembre 1986, et présente plus tard sa première exposition temporaire : Chicago, naissance d’une métropole 1872-1922, consacrée à l’architecture et à l’urbanisme américain. Apeloig en conçoit l’affiche à partir d’une photographie ancienne de rue vue en perspective. Il place les lettres du mot « Chicago » en utilisant les nouvelles technologies découvertes chez Total Design notamment la conception assistée par ordinateur, de telle sorte que la typographie s’incruste dans l’image comme un coup de vent,épouse la forme des bâtiments et souligne la ligne de fuite. Cette disposition du texte apporte l’illusion de vertige et surtout celle d’une troisième dimension. La magie de cette affiche se situe dans l’idée d’un mouvement immobilisé qui convoite l’arrêt du temps. C’est l’une des premières affiches de Philippe Apeloig, devenue également l’une des plus emblématiques.

Los Angeles, Rome, New York

En 1988, il part une année à Los Angeles parfaire et clore ses années de formation auprès de April Greiman, l’une des têtes de file du design californien New Wave, également pionnière dans l’utilisation du Macintosh comme outil de création. À son retour en France il crée son propre studio. Curieux de nouvelles expériences, Philippe Apeloig rejoint, à la demande de Richard Peduzzi, l’équipe des professeurs de l’Ensad, où il enseigne la typographie de 1992 à 1999. En 1993-94, pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, il y dessine des caractères typographiques utilisés aussitôt pour la conception des affiches du festival Octobre en Normandie et qui sont ensuite repérés par le Type Directors Club (TDC) de Tokyo qui l’honore du Gold Prize en 1995. De retour de Rome, il devient consultant, puis directeur artistique au musée du Louvre jusqu’en 2008.

De 1998 à 2003, il installe son atelier à New York et devient professeur titulaire à la Cooper Union School of Art de New York, l’une des écoles d’art les plus sélectives aux États-Unis, qui offre des cours gratuits et donne leur chance à des talents toutes classes sociales confondues. Il y exerce aussi les fonctions de conservateur du Herb Lubalin Study Center of Design and Typography de 2000 à 2003 (Centre de recherches et d’études sur la typographie). Il a accueilli dans ce cadre plusieurs expositions, dont Jean Widmer. A Devotion to Modernism et a crée une série de conférences sur le graphisme.

Petit Palais, Affiche Yves Saint Laurent

Philippe Apeloig crée de nombreuses affiches pour des évènements culturels ou pour des expositions comme celle de la rétrospective Yves Saint Laurent en 2010 au Petit Palais. Cette affiche est un collage qui associe le logo « YSL » créé par Cassandre en 1961 dans sa version originale, les couleurs de la robe Mondrian créée en 1965 par le couturier, et un détail d’une photo prise par Pierre Boulat en 1962. L’affiche concentre des associations d’idées en puisant dans le matériau biographique de l’œuvre de Saint Laurent. Dans la plupart des compositions graphiques imaginées par Philippe Apeloig, il y a une construction de l’espace à partir d’éléments typographiques et symboliques qui s’apparente à l’ouverture d’un champ du rêve, qui trouble et émeut.

Aix-en-Provence, Affiches pour la Fête du Livre

Depuis 1997, il travaille pour la Fête du Livre d’Aix en Provence. Chaque année, il imagine des visuels inspirés par l’univers littéraire des auteurs invités, entre autres Philip Roth et Kenzaburo Oé, ou bien sur des thématiques d’actualité. En 2012, Philippe Apeloig développe une affiche en bleu clair, traversée par un archipel de lettres noires formant les mots « Bruits du monde », titre de la saison. Certaines d’entre elles sont prolongées d’une trace de doigt fortement encré qui pourrait symboliser l’acte de mutiler ou encore celui d’enrayer une hémorragie. Abstraite mais aussi sentimentale, la composition évoque des frontières sujettes à l’invasion et à toutes sortes de bombardements – idéologiques, politiques, journalistiques, militaires et intimes.

Les logotypes

L’exposition Typorama est l’occasion de découvrir des vidéos retraçant l’élaboration d’un logotype. À travers une série d’animations, il sera possible de voir les principales étapes de cet exercice de précision et de conceptualisation. Parmi les logotypes que Philippe Apeloig a créés, celui de la direction des musées de France (2005), du Théâtre du Châtelet (2006), de l’institut national d’histoire de l’art (2001), du Domaine de Chaumont-sur-Loire (2012), du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (1997), de l’année du Brésil en France (2005), de l’Istituto Universitario di Architettura di Venezia (2004), de la maison d’orfèvrerie Puiforcat (2012) ou encore celui du Louvre Abou Dhabi (2013) pour lequel il conçoit la signalétique en collaboration avec les Ateliers Jean Nouvel.

Rouen, Affiche Bateaux sur l’eau

Présentées en séquences d’une quinzaine de planches, les esquisses révèlent l’étendue de ses recherches et le recours à des techniques variées, traditionnelles ou numériques (dessins, collages, photos et impressions laser). Elles offrent ainsi des clés pour comprendre sa démarche à travers ses études préparatoires. Par exemple, la présentation de la conception de l’affiche Bateaux sur l’eau rivières et canaux pour l’exposition de maquettes anciennes de batellerie présentée à l’Armada de Rouen en 2003 par les Voies navigables de France révèle l’exigence de son approche artistique. L’affiche aboutie est un paysage typographique, un jeu délicat entre les mots, partiellement immergés, leurs reflets et la surface bleue. Elle offre un effet de profondeur, et d’horizon.

Grand Palais, Affiche Le Saut Hermès

Le Carré d’Art de Nîmes, le Palais de la Découverte ou encore le Musée Rodin lui passent commande. En 2013, la maison Hermès charge Philippe Apeloig de concevoir l’identité visuelle du Saut Hermès au Grand Palais, concours équestre de saut d’obstacles. L’affiche met en scène une typographie expressive qui dessine un jumping de lettres blanches sur un aplat orange, couleur de la marque. Les lignes de texte sont entrelacées à un ensemble de traits noirs effilés formant le dessin d’un cavalier sur un cheval de course. Cette création, libre et spontanée, répond à l’esprit de l’événement sportif.

Le visiteur se retrouve souvent confronté à des lettres hybrides et des nouvelles polices de caractères, invité à repenser la façon de lire et de décrypter les visuels. L’exposition Typorama révèle la forte charge émotionnelle du travail de Philippe Apeloig ; un graphisme d’auteur qui dépasse l’aspect fonctionnel du design et devient un véritable tissage entre art et typographie.

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