Tableau pour décoration en papier peint Les sauvages de la mer pacifique

Dessinateur : Jean-Gabriel Charvet (Serrières 1750-Tournon 1829)
Manufacture Joseph Dufour et Cie (Mâcon 1797-1807)
1804
Titre complet de la plaquette publicitaire publiée chez Moiroux à Mâcon et conservée à la Bibliothèque municipale de Mâcon : « Les sauvages de la mer pacifique, tableau pour décoration en papier peint. Composé sur les découvertes faites par les capitaines Cook, de la Pérouze et autres voyageurs, formant un paysage en nuancé, exécuté sur vingt lés ou largeurs de papier de vingt pouces, sur quatre-vingt-dix de hauteur ».
Papier rabouté, fond brossé à la main, impression à la planche de bois.
H. 2,175 m ; L. 11,35 m.
Inv. 2004.197.1.1-6
Don de la SNC Haussmann Anjou, filiale de Calyon – Paris
© MAD, Paris

Les sauvages de la mer pacifique, présentés à l’Exposition des produits de l’industrie française de 1806, sont l’objet du commentaire suivant, dans les Notices sur les objets envoyés à l’exposition des produits de l’industrie française : « M. Joseph Dufour, de Mâcon, déjà connu avantageusement par sa fabrique de papiers peints, a expédié de nouvelles tentures, dont les sujets tirés des voyages du capitaine Cook sont peut-être ce que l’art a produit de plus curieux en ce genre ; peines, soins, sacrifices pécuniaires, rien n’a pu décourager M. Dufour. Des difficultés sans nombre étaient à surmonter ; tout était à créer ; il est enfin arrivé au but, et au point de recueillir le fruit de ses longs travaux ».

C’est donc au cours de cette manifestation officielle que le public découvre un genre nouveau de papiers peints. Tableau pour décoration en papier peint, tentures, paysage, ou encore pour adopter la dénomination actuelle, papier peint panoramique, celui-ci se caractérise par la juxtaposition de lés de papier peint sans répétitivité aucune permettant d’obtenir « un tableau sans fin car les deux extrémités de celui-ci doivent se lier et former un[e] espèce de panorama destiné à être coupé par largeurs de vingt pouces, qui seront placés isolément ou réunies en deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, dix ou douze parties et plus, selon l’intention d’un propriétaire, ou à cause de la distribution des appartemen[t]s que l’on veut décorer » (plaquette publicitaire publiée chez Moiroux à Mâcon, page 8).

Pour en venir aux Sauvages de la mer pacifique, le dessin annoté conservé au Cabinet des Arts graphiques du Musée des Beaux-Arts de Lyon et la plaquette déjà citée, très certainement due à la plume de Jean-Gabriel Charvet lui-même, permettent de connaître précisément les peuplades représentées. L’abrégé historique des vingt sujets composant le tableau des Sauvages de la mer pacifique (ibidem page 16) mentionne :
• « Numéro I. Habitans de Nootka, visités dans le mois de mars de l’année 1778, à 49 degrés de latitude nord, 233 longitude est.
• Numéro II. Habitans d’Uliéta, l’une des îles des Amis [dont le] chef, nommé Oréo, reçut le capitaine Cook lors de sa relâche en 1777.
• Numéro III. Habitans de Happaée … une des îles des amis.
• Numéro IV., V. et VI. Habitans d’Otahïti, la plus belle, la plus fertile et la plus peuplée des îles de la société, à 23 degrés de latitude sud, 210 de longitude est celle que l’on a choisi pour former le site du paysage des Sauvages de la mer pacifique.
• Numéro VII. Habitans de Tanna, l’une des nouvelles Hébrides, visitée par le capitaine Cook, en juillet 1774.
• Numéros VIII. et IX. Les habitans des îles de Sandwich, décrits dans la seconde relâche du capitaine Cook, en janvier 1779, entre les 199 et 208 degrés latitude nord.
• Numéro X. et XI. Habitans de la Nouvelle Zélande, isle découverte par un Hollandais nommé Tasman, situé entre les 32 et 47° degrés latitude sud, et les 163 et 176° de longitude.
• Numéro XII. Habitans de l’entrée du prince Guillaume, découverte par le capitaine Cook, le 12 mai 1778, dans le nord de l’Amérique.
• Numéro XIII. Habitans d’Annamooka… Cette île , comprise dans le nombre de celle qu’on nomme des Amis, fut découverte en 1643, par Tasman. Le capitaine Cook la visita pour la seconde fois en 1777.
• Numéro XIV. Habitans de la Nouvelle Calédonie, isle visitée par le capitaine Cook, en 1773, à 20 degrés latitude sud, et 164 longitude.
• Numéro XV. et XVI. Habitans de Tongatabo, la plus considérable des îles des Amis, à 21 degrés latitude sud, 182 longitude.
• Numéro XVII. Habitans de sainte Christine, la plus peuplée des îles Marquises.
• Numéro XVIII. Habitans des Isles Marquises. Par les 9° degrés de latitude sud et 138° long. ouest, découverte par Minda, en 1595, et visitée en 1773, par le capitaine Cook.
• Numéro XIX. Habitans de l’Isle de Pâques, située par les 27° deg. lat. sud, 109° long. ouest, fut découverte par Davis, en 1686. Le capitaine Cook s’y arrêta dans son second voyage, en 1773.
• Numéro XX. Habitans des isles Pelow ou Palaos, à 7 deg. De lat. nord et 135 long. ».

L’exemplaire offert au Musée des Arts Décoratifs provient de la Salle du Conseil de l’ancien siège du Crédit agricole/Indosuez, précédemment Banque de l’Indochine (7-11 rue de la Pépinière 75008 Paris). Située au 2e étage, cette Salle du Conseil fut décorée de ce papier peint panoramique à une date inconnue, vraisemblablement pendant l’entre-deux-guerres. Si tel est le cas, il aurait servi de théâtre à la trêve conclue lors de la libération de Paris, le 20 août 1944, entre résistants et les troupes allemandes grâce à l’intervention de Jean Laurent, directeur général de l’Indosuez, Raoul Nordling, consul général de Suède et le général von Choltitz, commandant du grand Paris.

Il fut restauré in situ par les antiquaires-restaurateurs Chasset en 1978 et 1986. Déposé en octobre 2003 par Elizabeth Traougott, il fut restauré par cette dernière en 2004 et offert au département Papiers peints.

Véronique de La Hougue, conservatrice du Musée des Arts Décoratifs, département des Papiers peints

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