Fauteuil cabriolet à coiffer, Paris, vers 1750-1760

Hêtre, cuir, canne
H. 84 ; l. 60 ; pr. 50 cm
Don Frederick P. Victoria, en souvenir de feu son fils, le Lieutenant Frederick P. Victoria, 1972
Inv. 43441
© Les Arts Décoratifs

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L’assise et le dossier de ce siège sont garnis d’un matériau exotique, la canne. Il s’agit de l’écorce du rotang, palmier lianoïde qui pousse dans les zones tropicales d’Asie du Sud-Est, dépecée en petites bandes de différentes largeurs. Ces bandes sont passées dans les trous ménagés dans le bâti du siège et entrecroisées pour former un fin treillis. Les Hollandais, maîtres de l’Insulinde, se réservèrent l’importation de ce nouveau matériau en Europe, où la technique du cannage fit son apparition dès la seconde moitié du XVIIe siècle, mais son acclimatation en France fut retardée par les guerres incessantes entre la France de Louis XIV et les Provinces-Unies, Ainsi en 1724, Savary des Brûlons pouvait écrire dans son Dictionnaire universel du commerce que « ces meubles de canne dont on fait un si grand usage et un si grand commerce en Angleterre et en Hollande […] commencent à passer en France ». L’intégration de ce nouveau matériau à la création des sièges fut confiée tout naturellement à la corporation des « vanniers quincailliers », au sein de laquelle apparut le nouveau métier de cannier. Plus élégante que la paille ou le jonc réservés aux sièges communs, la canne permettait d’obtenir des garnitures à la fois solides et légères, à un coût bien moindre que les garnitures de tissu ou de cuir. Par sa fraîcheur et sa légèreté, ce type de siège était particulièrement adapté aux climats tropicaux tels que celui des Indes orientales. En Europe, il va trouver de nouveaux usages dans le mobilier de la salle à manger et de la garde-robe qui préfigure la salle de bains. Résistant à l’eau et aux taches, le cannage fut notamment apprécié pour le mobilier de toilette, car son entretien était plus aisé que celui des garnitures couvertes d’étoffe ou de cuir. Ici seules les manchettes des accotoirs, pour des raisons de confort, sont garnies de cuir. Le fauteuil de toilette, utilisé principalement pour la coiffure, est caractérisé par son échancrure ménagée au haut du dossier afin de faciliter la mise en place des perruques. Le menuisier, qui n’a malheureusement pas estampillé son œuvre, a très habilement caché cette dépression du dossier sous la silhouette d’un cœur, que l’on retrouve aussi sur l’assise. D’une contrainte d’utilisation, le menuisier a su tirer un motif original rarement repris. On connaît quelques autres fauteuils de toilette en forme de cœur, présentant de légères variations dans l’attache du dossier à l’assise – ici maintenue par deux panneaux pleins, ailleurs réduite à la pointe du cœur –, mais le seul siège estampillé de cette forme est une bergère du menuisier Antoine Bonnemain, qui reçut la maîtrise en 1753.

B. R. The Master Chair-Maker’s Art. France 1710-1800, Frederick P. Victoria and Son, Inc., New York, 1984, n°15.

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