Dans une atmosphère où les nuances
de blond, de brun et de roux évoquent
les principales couleurs de la chevelure,
le parcours, divisé en cinq thématiques,
interroge ce qui fait du poil, dans les
cultures gréco-romaine et judéo-chrétienne,
un attribut de l’animal
et de la sauvagerie et explique pourquoi,
le poil a dû être constamment dompté pour
éloigner la femme ou l’homme de la bête.
Modes et extravagances
La première partie de l’exposition s’ouvre
sur l’étude de l’évolution de la coiffure
féminine, véritable indicateur social
et marqueur d’identité. Au Moyen
Âge, obéissant au commandement
de saint Paul, le port du voile s’impose
aux femmes jusqu’au XVe siècle.
Peu à peu, elles l’abandonnent au profit
de coiffures extravagantes sans cesse
renouvelées. Au XVIIe siècle, la coiffure
à « l’hurluberlu » (chère à Madame
de Sévigné) et « à la Fontange » (d’après
le nom de la maîtresse de Louis XIV)
sont emblématiques de véritables
phénomènes de mode.
Vers 1770, les hautes coiffures dites poufs
sont sans doute les plus extraordinaires
des modes capillaires occidentales. Enfin,
au XIXe siècle, les coiffures féminines –
qu’elles soient inspirées de la Grèce
antique, ou dite « à la girafe », en tortillon
ou « à la Pompadour » – sont tout autant
alambiquées.
Poil ou pas poil
Après les visages glabres du Moyen
Âge, un tournant s’opère vers 1520
avec l’apparition de la barbe symbole
de courage et de force. Au début du XVIe
siècle, les trois grands monarques
d’Occident : François Ier, Henry VIII
et Charles Quint sont jeunes et portent
la barbe dès lors associée à l’esprit viril
et guerrier. Dès les années 1630 jusqu’à
la fin du XVIIIe siècle, le visage imberbe
et la perruque font l’homme de cour.
Les poils faciaux ne réapparaissent qu’au
début du XIXe siècle avec la moustache,
les favoris et la barbe : ce siècle a été
de loin le plus poilu de l’histoire des modes
masculines. Une multitude de petits
objets utilisés (fixe-moustaches, brosses,
fer à friser, cire, etc.) témoigne de cet
engouement pour les moustaches et les
barbes.
Au cours du XXe siècle, le rythme
des visages barbus, moustachus et lisses
se poursuit, jusqu’au retour de la barbe
chez les Hipsters à la fin des années 1990.
L’entretien de la pilosité chez ces jeunes
urbains a fait renaitre le métier de barbier
disparu depuis les années 1950. De nos
jours, les barbes fournies tendent à laisser
la place à la moustache qui avait déserté
les visages depuis les années 1970.
Le choix de conserver, d’éliminer,
de dissimuler ou d’exhiber les poils des
autres parties du corps est aussi un sujet
d’histoire que l’exposition traite par le biais
de la représentation des corps nus
dans les arts visuels et les témoignages
écrits. La pilosité est rare, voire absente
de la peinture ancienne. Le corps
glabre est synonyme de corps antique
et idéalisé, alors que le corps velu est
associé à la virilité, voire la trivialité. Seuls
les adeptes de sports virils telle la boxe
et le rugby, mais aussi les illustrations
érotiques ou les gravures médicales
montrent des individus couverts de poils.
Vers 1910-1920, lorsque les corps féminins
se découvrent, les réclames dans les
magazines vantent les mérites des
crèmes dépilatoires et des tondeuses plus
performantes pour les éliminer.
Si dans les années 1970, la pilosité du corps masculin, et à travers elle une certaine idée de la virilité, s’affiche sans complexe, cinquante ans plus tard, l’abondance des poils n’est plus au goût du jour. Depuis 2001, les sportifs se faisant photographier nus pour les calendriers comme celui Les Dieux du stade ont une pilosité rigoureusement maîtrisée.
Entre nature et artifice
Se coiffer est un acte intime, une dame
bien née ne pouvait se montrer en public
les cheveux défaits. Un tableau de
Franz-Xaver Winterhalter, daté de 1864,
représentant l’impératrice Sissi en robe
de chambre et les cheveux dénoués,
était strictement réservé au cabinet privé
de François-Joseph.
Louis XIV devenu chauve très jeune adopte
la perruque dite de « cheveux vifs » qu’il
impose à la cour.
Au XXe siècle, Andy Warhol
connait la même mésaventure : la perruque
qu’il porte pour cacher sa calvitie sera
érigée en icône de l’artiste. De nos jours,
postiches et perruques sont utilisées dans
la haute couture, lors des défilés de mode
ou, bien entendu, pour pallier une perte
de cheveux.
Les couleurs naturelles des cheveux
et leurs symboliques sont étudiées avec
ce qu’elles véhiculent. Le blond est
la couleur des femmes et de l’enfance.
Le roux est attribué aux femmes
sulfureuses, aux sorcières et à quelques
célèbres femmes de scène. Quant
aux cheveux noirs, ils trahiraient
le tempérament bien trempé des
bruns et les brunes. Des colorations
expérimentales du XIXe siècle jusqu’aux
teintures plus certaines dès les années
1920 : les couleurs artificielles ne sont pas
oubliées. Le travail du coiffeur Alexis Ferrer
qui réalise des impressions digitales sur
de vrais cheveux est également présenté.
Métiers et savoir-faire
L’exposition dévoile les différents métiers
du poil : barbiers, barbiers-chirurgiens,
étuvistes, perruquiers, coiffeurs de dames,
etc., à travers des documents d’archives
et une foule de petits objets : enseignes,
outils, produits divers et les étonnantes
machines à permanentes et les séchoirs
des années 1920.
En 1945, la création de la haute coiffure
élève le métier au rang de discipline
artistique et d’un savoir-faire français.
La coiffure du XXe siècle est marquée par
Guillaume, Antoine, Rosy et Maria Carita,
Alexandre de Paris coiffant princesses
et célébrités. De nos jours, la grande
coiffure s’exprime principalement lors
des défilés des prestigieuses maisons
de mode. Invités à l’exposition, Sam
McKnight, Nicolas Jurnjack ou Charlie
Le Mindu réalisent des coiffures
extraordinaires pour les top-models
et personnalités du show-business.
Regards sur un siècle chevelu
Cette section permet d’évoquer les
coiffures iconiques des XXe et XXIe siècles :
le chignon 1900, la coupe à la garçonne
des années 1920, les cheveux permanentés et crantés des années 1930,
la pixie et la choucroute des années 1960,
les cheveux longs des années 1970, les
coiffures volumineuses des années 1980,
les dégradés et les mèches blondes des
années 1990, sans oublier les nappy hair.
L’agencement des cheveux sous
une forme particulière peut révéler
l’appartenance à un groupe et manifester
une expression politique, culturelle
en opposition avec la société et l’ordre
établi. Plus idéologiques qu’esthétiques,
la crête iroquoise des punks, les cheveux
négligés des grunges ou les crânes rasés
des skinheads sont des moments forts
de créativité capillaire.
Porter les cheveux d’un autre, connu
ou inconnu, revêt une dimension
inquiétante, et cette superstition
semble bien ancrée. Malgré ces
appréhensions, quelques créateurs
choisissent de transcender cette matière
si familière en objet de mode. C’est le cas
de créateurs contemporains comme Martin
Margiela, Josephus Thimister et Jeanne
Vicerial. la question de l’identité, traitée
de manière légère ou plus profonde, est
souvent au cœur des raisonnements, que
les cheveux soient vrais ou factices.
Le musée des Arts décoratifs a bénéficié
de prêts exceptionnels du château
de Versailles, du musée des Beaux-
Arts d’Orléans, du musée du Louvre
et du Musée d’Orsay.