Le 6 juillet 2021, le Musée des Arts Décoratifs dévoile son nouvel accrochage dédié aux collections Art nouveau. Entièrement réaménagées, les salles mettent en scène la révolution qui s’opère en France autour de 1900 dans la création et le décor intérieur. Réunissant des ensembles mobiliers, des céramiques, des verres, des pièces d’orfèvrerie mais aussi des tableaux, des vitraux, des papiers peints et des affiches sortis des réserves, le musée invite le visiteur à cheminer dans les multiples expressions de l’Art nouveau.

Des acquisitions récentes, comme la salle à manger créée par Henri Rapin en 1903 ou la spectaculaire cheminée au chat en grès de la maison Émile Muller, créent la surprise en révélant des facettes peu connues des arts décoratifs du début du XXe siècle. Aux côtés des grands noms de l’Art nouveau tels qu’Hector Guimard, Émile Gallé et Louis Majorelle, dont le musée conserve des ensembles remarquables, cette nouvelle présentation met en avant des acteurs fondamentaux de la période, liés à l’histoire de l’institution comme Siegfried Bing ou Georges de Feure.

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Le parcours débute avec une salle dédiée au renouveau de la céramique et du verre autour de 1900. Dès les années 1890, les céramistes et les verriers se tournent vers les arts du Japon et de la Chine, mis à l’honneur lors des expositions universelles organisées à Paris en 1878 et en 1889, afin de créer un style nouveau en rupture avec le passé. Les céramiques adoptent des lignes organiques et asymétriques. Les accidents de cuisson, les effets de flammes et les coulures d’émail forment des décors abstraits qui révolutionnent les arts du feu.

« Tête de faune », Jean-Joseph-Marie Carriès, vers 1890-1891
«  Tête de faune  », Jean-Joseph-Marie Carriès, vers 1890-1891
© MAD, Paris / Jean Tholance

En France, les céramistes tels qu’Ernest Chaplet, Jean Carriès, Auguste Delaherche et Georges Hoentschel, inventent de nouveaux décors et couvrent leurs pièces de plusieurs épaisseurs d’émaux donnant des teintes rouge, marron, ocre, verte ou bleu. Dans ce nouvel accrochage, autour de la grande cheminée au chat en grès de la maison Muller, récemment offerte au musée, s’organise un mur de grès évoquant les showrooms des céramistes de la période. À Nancy, Émile Gallé puise dans la flore des champs, les insectes et le monde sous-marin pour créer des verreries d’une grande poésie, jouant avec les multiples aspects du verre et de ses colorations.

La salle suivante est consacrée à l’Art nouveau dans le décor intérieur et fait cohabiter trois univers qui marquent les différentes orientations de ces artistes qui cherchent à dépasser la réinterprétation des styles du passé. Pensant l’architecture des demeures et le mobilier comme un art total unifié par des lignes inspirées du végétal, les décorateurs et les ébénistes développent une vision globale du foyer dans lequel des objets fonctionnels, alliant le beau et l’utile, offrent un cadre de vie propice à l’épanouissement de l’homme moderne.

La salle à manger créée en 1903 par Henri Rapin surprend par ses lignes nordiques et Arts and Crafts, tandis que la chambre à coucher réalisée par Louis Majorelle à la même période renouvelle les formes et les décors en puisant dans la ligne végétale.

Appelé « Modernismo » en Espagne, « Jugendstil » en Allemagne, « Arts and Crafts » ou « Modern style » en Angleterre et aux États-Unis, en France s’impose le nom de la très influente galerie de Siegfried Bing, « L’Art nouveau », ouverte à Paris, rue de Provence, en 1895. Bing fait travailler le décorateur et affichiste Georges de Feure dont deux meubles et un ensemble de porcelaines, inédits dans les collections publiques françaises, sont ici exposés. Enfin, la musique et les plaisirs du Paris de la Belle époque sont évoqués par une sélection d’affiches issues des collections du musée.

Papier peint « Saisons des fleurs », Issy-les-Moulineaux, 1898-1899
Papier peint «  Saisons des fleurs  », Issy-les-Moulineaux, 1898-1899
Prosper Tétrel, dessinateur, Société anonyme des Anciens établissements Desfossé & Karth (1899-1947), fabricant éditeur
© MAD, Paris / Jean Tholance

Des thèmes chers à l’Art nouveau viennent rythmer ce parcours comme la nature, source d’inspiration principale de l’Art nouveau. « Ma racine est au fond des bois » prône Émile Gallé qui fut un savant botaniste. « C’est à la nature toujours qu’il faut demander conseil », proclame Hector Guimard en 1899. Aux côtés du spectaculaire piano demi-queue de Louis Majorelle, présenté devant le papier peint panoramique de La Saison des fleurs de Desfossés & Karth, une grande vitrine expose des verres, des céramiques et des pièces d’orfèvrerie qui transcrivent dans différents matériaux les lignes végétales et organiques, l’élan de vie qui anime la flore. Prolongement de la nature, la figure de la femme, dont les robes voluptueuses et les longues chevelures s’enroulent en arabesques, s’impose dans le domaine de l’affiche.

Desserte « La moisson », Émile Gallé, Nancy, 1903 (création du modèle), vers 1904 (fabrication)
Desserte «  La moisson  », Émile Gallé, Nancy, 1903 (création du modèle), vers 1904 (fabrication)
© MAD, Paris / Jean Tholance

Deux intérieurs des figures de proue de l’Art nouveau en France, Hector Guimard et Émile Gallé, achèvent ce parcours. En 1903, Guimard réalise un mobilier de chambre à coucher en poirier délicatement sculpté d’enroulements végétaux à l’occasion du mariage de la fille du riche industriel Léon Nozal. À ses côtés, dans une baie, le monumental vitrail aux paons qu’Albert Besnard dessine pour l’École de Pharmacie en 1895 témoigne du renouveau et de l’excellence du vitrail à l’époque Art nouveau. Longtemps conservé dans les réserves, il est à nouveau exposé en majesté. Enfin, la salle à manger réalisée par Émile Gallé pour l’hôtel particulier de Bruxelles d’Édouard Hannon est remontée dans son ensemble, avec son riche mobilier, son lustre, ses verres et des tableaux évoquant l’atmosphère de ces pièces à la fin du siècle.

Vitrine, Georges de Feure, Paris, vers 1900
Vitrine, Georges de Feure, Paris, vers 1900
© MAD, Paris / Jean Tholance

L’importance primordiale qu’accorde l’Art nouveau au décor intérieur, envisagé comme le lieu de réalisation et d’épanouissement de l’homme et de la femme modernes, rencontre une résonance particulière dans la création contemporaine. Prônant des demeures à la fois confortables et fonctionnelles, unifiées par un décor global, l’Art nouveau inspire aujourd’hui de nombreux designers et graphistes mais également des créateurs de mode, qui cherchent à retrouver cette unité des arts pour créer un cadre de vie harmonieux propice au bien-être de ses habitants.

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