Le parcours débute avec une salle dédiée
au renouveau de la céramique et du verre
autour de 1900. Dès les années 1890,
les céramistes et les verriers se tournent
vers les arts du Japon et de la Chine,
mis à l’honneur lors des expositions
universelles organisées à Paris en
1878 et en 1889, afin de créer un style
nouveau en rupture avec le passé.
Les céramiques adoptent des lignes
organiques et asymétriques. Les accidents
de cuisson, les effets de flammes
et les coulures d’émail forment des décors
abstraits qui révolutionnent les arts du feu.
En France, les céramistes tels qu’Ernest
Chaplet, Jean Carriès, Auguste Delaherche
et Georges Hoentschel, inventent
de nouveaux décors et couvrent leurs
pièces de plusieurs épaisseurs d’émaux
donnant des teintes rouge, marron, ocre,
verte ou bleu. Dans ce nouvel accrochage,
autour de la grande cheminée au chat
en grès de la maison Muller, récemment
offerte au musée, s’organise un mur
de grès évoquant les showrooms des
céramistes de la période. À Nancy, Émile
Gallé puise dans la flore des champs,
les insectes et le monde sous-marin pour
créer des verreries d’une grande poésie,
jouant avec les multiples aspects du verre
et de ses colorations.
La salle suivante est consacrée à l’Art
nouveau dans le décor intérieur et fait
cohabiter trois univers qui marquent
les différentes orientations de ces
artistes qui cherchent à dépasser
la réinterprétation des styles du passé.
Pensant l’architecture des demeures
et le mobilier comme un art total unifié
par des lignes inspirées du végétal,
les décorateurs et les ébénistes
développent une vision globale du foyer
dans lequel des objets fonctionnels, alliant
le beau et l’utile, offrent un cadre de vie
propice à l’épanouissement de l’homme
moderne.
La salle à manger créée en 1903 par Henri
Rapin surprend par ses lignes nordiques
et Arts and Crafts, tandis que la chambre
à coucher réalisée par Louis Majorelle
à la même période renouvelle les formes
et les décors en puisant dans la ligne
végétale.
Appelé « Modernismo » en Espagne,
« Jugendstil » en Allemagne, « Arts and
Crafts » ou « Modern style » en Angleterre
et aux États-Unis, en France s’impose
le nom de la très influente galerie
de Siegfried Bing, « L’Art nouveau »,
ouverte à Paris, rue de Provence, en 1895.
Bing fait travailler le décorateur et affichiste
Georges de Feure dont deux meubles
et un ensemble de porcelaines, inédits
dans les collections publiques françaises,
sont ici exposés. Enfin, la musique
et les plaisirs du Paris de la Belle époque
sont évoqués par une sélection d’affiches
issues des collections du musée.
Des thèmes chers à l’Art nouveau viennent
rythmer ce parcours comme la nature,
source d’inspiration principale de l’Art
nouveau. « Ma racine est au fond des
bois » prône Émile Gallé qui fut un savant
botaniste. « C’est à la nature toujours
qu’il faut demander conseil », proclame
Hector Guimard en 1899. Aux côtés
du spectaculaire piano demi-queue
de Louis Majorelle, présenté devant
le papier peint panoramique de La Saison
des fleurs de Desfossés & Karth,
une grande vitrine expose des verres,
des céramiques et des pièces d’orfèvrerie
qui transcrivent dans différents matériaux
les lignes végétales et organiques, l’élan
de vie qui anime la flore. Prolongement
de la nature, la figure de la femme, dont
les robes voluptueuses et les longues
chevelures s’enroulent en arabesques,
s’impose dans le domaine de l’affiche.
Deux intérieurs des figures de proue
de l’Art nouveau en France, Hector
Guimard et Émile Gallé, achèvent
ce parcours. En 1903, Guimard réalise
un mobilier de chambre à coucher
en poirier délicatement sculpté
d’enroulements végétaux à l’occasion
du mariage de la fille du riche industriel
Léon Nozal. À ses côtés, dans une
baie, le monumental vitrail aux paons
qu’Albert Besnard dessine pour l’École
de Pharmacie en 1895 témoigne
du renouveau et de l’excellence du vitrail
à l’époque Art nouveau. Longtemps
conservé dans les réserves, il est
à nouveau exposé en majesté. Enfin,
la salle à manger réalisée par Émile
Gallé pour l’hôtel particulier de Bruxelles
d’Édouard Hannon est remontée dans
son ensemble, avec son riche mobilier,
son lustre, ses verres et des tableaux
évoquant l’atmosphère de ces pièces
à la fin du siècle.
L’importance primordiale qu’accorde
l’Art nouveau au décor intérieur,
envisagé comme le lieu de réalisation
et d’épanouissement de l’homme
et de la femme modernes, rencontre
une résonance particulière dans
la création contemporaine. Prônant
des demeures à la fois confortables
et fonctionnelles, unifiées par un décor
global, l’Art nouveau inspire aujourd’hui
de nombreux designers et graphistes
mais également des créateurs de mode,
qui cherchent à retrouver cette unité
des arts pour créer un cadre de vie
harmonieux propice au bien-être
de ses habitants.