À la suite de « Dix mille ans de luxe », conçue en partenariat avec le Louvre Abu Dhabi en 2019, le Musée des Arts Décoratifs présente « Luxes ». L’exposition propose un voyage à travers le temps et la géographie, alliant des moments de contemplation et des scansions plus monumentales, offrant à chacune des 100 œuvres présentées l’espace le plus pertinent pour la délectation et la compréhension. Le parcours, chronologique et thématique, ouvre deux lieux emblématiques pourtant habituellement fermés à la visite : le salon 1900, mémoire vivante de l’Exposition universelle de Paris, une commande du musée pour célébrer l’Art nouveau et les arts décoratifs français, et le salon des Boiseries, dévoilant d’autres chefs-d’œuvre du décor européen, dont un incroyable lustre de Venini exposé à Paris en 1925, une salle généreuse où lire et rêver, en prenant le temps, face aux Tuileries et au rythme de la ville. Sensible et encyclopédique, sélective et historique, l’exposition offre ainsi, pour la première fois à Paris et au Musée des Arts Décoratifs, une certaine idée du luxe à l’usage du monde contemporain. La scénographie a été confiée à Nathalie Crinière et à son agence, avec la participation exceptionnelle de la Confédération européenne du Lin et du Chanvre.

Hashtag : #ExpoLuxes

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Commissaires
• Olivier GABET, Commissaire général
• Assisté de Cloé PITIOT, Conservatrice au Département moderne et contemporain

La scénographie a été confiée à Nathalie Crinière et à son agence, avec la participation exceptionnelle de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre l CELC

Avec le soutien du Comité Colbert

Avec le mécénat de Tasaki

Avec le soutien des Friends of the Musée des Arts Décoratifs

Présentation

Fondé en 1864 par les représentants des industries d’art qui devaient devenir plus tard ce que nous connaissons sous le nom d’industries du luxe, le Musée des Arts Décoratifs a, sans aucun doute, une légitimité particulière à proposer une exposition sur un tel sujet. Ses collections se sont constituées de manière rétrospective ou simultanée afin de défendre une certaine idée des arts décoratifs à la fois français et ouverts sur toutes les cultures artistiques, c’est-à-dire de l’art de vivre, de la créativité dans le domaine de l’objet, objet d’art ou objet de mode. En plus de 150 ans, il a su tisser des liens étroits avec les manufactures du XIXe siècle, comme avec ce qui en transmet l’héritage contemporain, les maisons du luxe français. Très tôt en ses rangs, des personnalités aussi remarquables que Charles Christofle ou Louis Cartier ont contribué à faire du musée, dans ses expositions comme dans ses collections, ce qu’il est aujourd’hui.

Collier Noisette, René Lalique, vers 1900, Paris
Or, diamants, émail, verre Paris, Musée des Arts Décoratifs
© MAD, Paris / Christophe Dellière

Sans se limiter à l’idée d’un luxe à la française, l’exposition « Luxes » s’emploie à donner à ce sujet si vaste, d’un point de vue anthropologique et culturel, toute son ampleur universelle, portée par un choix très serré d’œuvres ou d’ensembles d’œuvres, qui sont autant de moments cruciaux, témoins d’une évolution de la notion de luxe, de son emploi dans une civilisation donnée. Elle souligne des points moins connus du grand public pour lequel la notion de luxe est de nos jours très profondément définie par la présence massive des marques dans notre quotidien, mots-sésames du fantasme de la consommation, logos surreprésentés dans l’espace urbain, artères des métropoles ou aéroports d’un monde globalisé, en somme une nouvelle lingua franca à l’échelle de la planète. Si certaines maisons apparaissent dorénavant comme consubstantielles à l’idée même du luxe, l’idée force de l’exposition Luxes est de ne pas s’y réduire.

À travers siècles et civilisations, des objets insignes marquent une sorte de généalogie du luxe, commençant par la Perle d’Abu Dhabi, la plus ancienne au monde, fragile témoignage des premières sédentarisation, puis par les plus beaux exemples de l’Antiquité, cuiller à fard égyptienne ou pièces insignes du Trésor de Boscoreale. Faite de choix drastiques et de partis pris, l’exposition dessine une histoire du luxe qui pourrait être toute autre selon l’optique de commissaires différents.

Elle souligne l’aspect matériel et objectif de cette incarnation du luxe, cette patiente défense de savoir-faire transmis d’une génération à l’autre. Elle rappelle combien l’histoire de l’art en général, et l’histoire des arts décoratifs en particulier, est modelée par l’archéologie du luxe, les objets précieux conservés avec soin et transmis, qu’ils soient cachés dans la panique de l’éruption du Vésuve (Boscoreale) ou pieusement légués par les trésors princiers (coffret de Mangot). Notion mouvante et poreuse, le luxe s’incarne dans tant de réalités différentes, quelquefois façonnées de paradoxes radicaux.

Au XVIIIe siècle, l’effervescence décorative du luxe chinois offre un saisissant contraste au sentiment de l’épure si cher au luxe japonais, ces céramiques élémentaires, réparées avec délicatesse lorsqu’elles ont été brisées, à l’instar de la pratique du Kintsugi. Aux temps médiévaux, le luxe, ce sont les épices, le sel, les produits les plus répandus à notre époque.

Cuillère coquillage, XVIe siècle, Allemagne
Manche en argent fondu, ciselé et gravé, cuilleron en coquillage. Paris, Musée des Arts Décoratifs
© MAD, Paris / Jean Tholance

À la Renaissance, une cuiller ouvragée épousant un coquillage de porcelaine est d’un luxe éblouissant et distinctif. Au XVIIe siècle l’Europe se ruine pour les tulipes…

Aux XVe et XVIe siècle, l’otium, le loisir des Romains, est une autre forme de luxe, quand le peuple lui n’a d’autre choix que de travailler : jeux de cartes d’un raffinement extrême, backgammon marqueté, mais aussi instruments scientifiques et manuscrits rares, tant le savoir est une forme de luxe en soi.

Charles Frederick Worth, Robe du soir en deux parties, Paris, vers 1885
Satin de soie à décor façonné, tulle de soie, broderies de fils métalliques et paillettes or. Don Madame Franklin Gordon Dexter, 1920. Paris, Musée des Arts Décoratifs
© MAD, Paris / Jean Tholance

C’est plus tardivement, au XVIIe siècle avec les manufactures royales assises sur le pouvoir et le rayonnement louisquatorziens, puis au XVIIIe siècle avec l’avènement des marchands-merciers, « marchands de tout, faiseurs de rien », habiles à créer des objets dont les clients raffolent même s’ils n’en ont guère besoin, que le luxe proche de son acception contemporaine s’épanouit, renforcé au XIXe siècle par les luttes artistiques qu’incarnent aussi les Expositions universelles où créativité et progrès technologique deviennent l’obsession des industries d’art en Europe, aux États- Unis mais aussi, déjà, en Asie. Au même moment, en révolutionnant l’idée de ce qu’est la mode, non plus une simple toquade de cliente, mais la signature, la griffe, qui impose un geste créateur en tant que tel, Charles Frederick Worth promeut la naissance de la haute couture.

Goyard, Malle pullman ayant appartenu au Duc de Windsor, années 1940
Goyardine, cuir et lozine, intérieur en tissus safran ; bijouterie en laiton massif, liteaux en hêtre ; cintres en hêtre, presse-pantalon, housse et sangle de coton Goyard ; chiffres et couleurs du Duc peints à la main. Collection Goyard Patrimoine
© Goyard

Depuis lors, la fondation de nombreuses maisons de luxe et leur épanouissement tout au long du XXe siècle ont puissamment contribué à définir la place du luxe dans nos sociétés contemporaines, et à trop souvent l’y enfermer dans une vision consumériste et matérialiste. Toutefois, le siècle qui vient de s’écouler a prouvé combien le luxe a vu se renouveler encore ses visages : sophistication virtuose et préciosité maximale de l’Art déco, minimalisme de la petite robe noire de Coco Chanel et des marqueteries de paille de Jean-Michel Frank, le héraut de « l’étrange luxe du rien », la lenteur des paquebots palais des océans et l’art de voyager, etc.

En 2020, exposer le luxe, c’est nécessairement y montrer les échos et les battements du monde, nouvelle prise de conscience du vivant, du respect nécessaire pour le monde animal notamment, alors que pendant des millénaires certains matériaux, fourrures ou ivoires, étaient gages de prestige, de valeur et de luxe, renouvellement des inspirations et problématique de l’appropriation culturelle, notion de collaborations entre créateurs, valorisation des métiers d’art, résurgence des formes, renaissance de traditions du luxe malmenées par l’histoire de certaines nations, la Chine par exemple…

Karl Lagerfeld pour Chanel, Collection Métiers d’art, New-York Look 84, 2018
Robe longue en marqueterie de plumes composée de plumes d’oie et de coq recouvertes d’une couche d’or. Travail de la Maison Lemarié. Paris, Collection Patrimoine de Chanel
© Chanel

En 2020, exposer le luxe, c’est aussi parcourir d’autres réalités du temps présent, non plus la possession matérielle à tout prix, mais le sentiment de la transmission d’un objet chéri et réparé, jamais jeté, non plus la course à la production, mais plutôt l’expérience, la liberté de mouvement, l’espace et le temps, et l’aspiration à se forger un luxe à soi, comme Virginia Woolf parle d’une « chambre à soi. »

Si, au fil des millénaires, les sens et la matérialité du luxe, ses usages et ses expressions n’ont cessé d’évoluer et de se transformer, force est de constater que le mot même de luxe fait dorénavant partie de l’environnement quotidien de nos sociétés contemporaines, pour le meilleur et pour le pire, qu’on le vénère et qu’on y aspire, qu’on le rejette ou qu’on le critique. En le remettant dans une perspective historique, culturelle et artistique, l’exposition « Luxes » se propose de donner des clés antiques comme actuelles, afin de comprendre ce qui fait du luxe l’incarnation la plus singulière et la plus symbolique de grands faits de civilisation à travers les millénaires et les continents.

À une époque où les maisons de luxe semblent tant avoir à dire sur l’art, la culture et les musées, sans doute les musées ont-ils des choses à dire sur le luxe et sa place dans l’art.

Teaser de l’exposition
Exposition " Luxes " du 15 octobre 2020 au 2 mai 2021 - YouTube

Œuvres figurant dans le teaser :
Fallen Tree, Benjamin Graindorge, 2012 • Robe Magnificient Gold, Collection Samsara, Guo pei, 2006 © Guo Pei • Collection Métiers d’art Paris – Byzance, Karl Lagarfeld – Chanel, 2010-2011 © Chanel. Mannequinage par Rosa Ampudia, chargée de la Régie des Collections, Chanel • Look 102, Collection Afrique, Défilé Croisière, Maria Grazia Chiuri – Dior © Dior • Protoype, Jacquemus, 2020, © Jacquemus • Malle, Maison Louis Vuitton, 1917 © MAD, Paris • Voiture Hispano Suiza H6B, 1925 © Collection privée • Lustre, manufacture Cappellin Venini, 1925, © MAD, Paris • Paire de sneakers, Pierre Hardy, 2014 © MAD, Paris • Vitrine et bracelets © Tiffany and Company 2020 • Miroir Nid, 2016, Hervé van Der Straeten © Hervé van Der Straeten • Hourglass Timer 60 minutes, Marc Newson, 2015 © Marc Newson

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Les thèmes

Luxes

Jar, bracelet Camélia, Paris, 1995
Or, argent blanchi, rubis, émail. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Don de l’artiste, 2002
© MAD, Paris / Jean Tholance

Jamais époque n’a autant usé du mot « Luxe » que ces premières décennies du XXIe siècle : il apparaît à la une des journaux, il rythme le calendrier mondial de la mode, il est un motif de fierté économique et industrielle des nations, il envahit l’espace public des métropoles. Il y renvoie le plus souvent à une réalité matérielle, voire matérialiste : il est autant défini par ce qui le permet, l’argent, que par ce qu’il exclut, le sacré. Terreau de tous les paradoxes, le luxe serait l’ultime aspiration de la consommation, et en même temps tout ce qui ne saurait être acheté, une valeur intangible. En parcourant l’histoire des civilisations comme leur géographie, remis dans une perspective artistique, le luxe apparaît comme un élément fondamental de l’histoire culturelle des objets dont les musées ont la charge. Fondé au XIXe siècle par les industries d’art pour les célébrer et les inspirer, le Musée des Arts Décoratifs entretient une histoire particulière avec lui. […]

Luxes des origines

Plongeant dans les racines d’une étymologie longtemps restée sibylline, le terme « luxe » a trop souvent renvoyé à tort au lux de la lumière, alors que sa racine remonte plutôt au substantif luxus qui évoque ce qui est séparé, démis, déplacé, comme on parlerait d’une luxation et, par capillarité, l’écart et l’excès, moral ou physique. Dès l’Antiquité gréco-romaine, le luxe est une notion fort débattue, en ce qu’elle rompt avec la frugalité des ancêtres. Il marque autant le rang princier que l’expression du sacré, il renvoie aussi à la débauche et aux barbares, c’est-à-dire les autres. De la parure au décor de la maison, en passant par le rite du banquet, les civilisations antiques lui accordent une place éminente. Dans l’Égypte ancienne, l’or, de nature divine, est travaillé par les orfèvres, une parure a le don de protection et y accompagne le défunt jusqu’à l’au-delà, et l’art cosmétique connaît ses premiers éclats. En Mésopotamie, le luxe se révèle dans le travail incomparable des pierres rares, importées de sources encore mystérieuses, albâtre, lapis-lazuli, chlorite, serpentine… À Rome, la richesse de l’Empire se jauge bientôt dans le train de vie luxueux d’une élite sophistiquée.

Luxe et arts précieux

Si l’objet de luxe est celui que l’on transmet et que l’on conserve, autant dire qu’il est en partie consubstantiel à l’idée même de musée, venue d’ailleurs autant des trésors de l’Église et des princes que des cabinets de curiosités et autre Kunstkammer qui marquent en leur temps l’idée même d’un privilège de la beauté et du savoir, chacun restant l’apanage d’une élite plus que restreinte. Venus d’Europe et d’Afrique, d’Égypte et d’Inde, d’Irak et de Colombie, datant du Moyen Âge ou de la Renaissance, les objets réunis dans cette section illustrent parmi les plus remarquables objets de luxe jamais produits par l’Humanité. Du plus petit (pendentif de l’Agneau pascal) au plus grand (tapisserie dite d’Adonis), ils sont tantôt spectaculaires (coffret de nacre de Mangot), sobres (paire de boucles d’oreilles du Mali), délicats et fragiles (lampe de mosquée du Proche-Orient ou verres de Venise). Parures, ornements, objets d’usage ou de collection, ils expriment par leur raffinement un art de vivre élégant et par leurs matériaux alors rares, comme l’ambre et le jade, des savoir-faire accomplis, une idée partagée entre civilisations, un motif d’émulation, d’admiration et d’inspiration mutuelles entre les cultures.

L’extravagance décorative ou le luxe Art déco

Maison Cartier, Atelier Couët pour Cartier, Pendule écran, Paris, 1927
Jade blanc sculpté, onyx, diamants, corail, nacre et or. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Don Georges Blumenthal en souvenir de Madame Blumenthal, 1931
© MAD, Paris / Jean Tholance

À partir de 1910, l’épanouissement de l’Art déco s’accompagne d’un renouvellement des intérieurs, soutenu par des mécènes nouveaux venus des affaires ou de la mode. En quelques années, rien n’est assez élégant, tapageur, excentrique, et tous les savoir-faire y sont à l’honneur. L’Art déco décline un goût immesuré pour le rare et le précieux : extravagance décorative, matériaux saturés, joaillerie fastueuse. C’est ainsi que se dévoile l’ensemble exceptionnel de mobilier dessiné par les artistes décorateurs Clément Rousseau et Clément Mère pour les appartements privés de la baronne Robert de Rothschild dans l’hôtel familial, avenue de Marigny. Au même moment, Armand-Albert Rateau, complice de Jeanne Lanvin, crée pour son propre appartement quai de Conti ce somptueux paravent à huit feuilles. Entre deux guerres, l’Art déco signe le renouveau éblouissant du luxe à la française.

« L’étrange luxe du rien »

Jean-Michel Frank, Portes à un et deux battant, Paris, vers 1930-1931
Marqueterie de paille. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Dépôt du musée du Louvre, 1986
© MAD, Paris / Jean Tholance

Dans les années 1920-1930, le décorateur Jean-Michel Frank renverse radicalement les principes de la décoration et une certaine idée du luxe, opulent et ornementé, telle que le XIXe siècle l’avait ancrée dans l’imaginaire de ses contemporains. Il en impose une vision différente, inframince, conceptuelle même. Paradoxe de la modernité, cet « étrange luxe du rien », ainsi que l’énonce merveilleusement l’écrivain François Mauriac, apparaît comme une provocation esthétique à l’encontre de toutes les idées reçues sur le luxe, et son association millénaire avec la richesse. Préférant l’usage des matières les plus communes, Frank aime à les transcender dans un travail subtil et artisanal, empreint d’une totale sensualité, comme ici la marqueterie de paille.

Luxes croisés : un monde d’éclectisme

En quelques décennies, les expressions du luxe se démultiplient, répondant à ce paradoxe contemporain : à l’heure du consumérisme global et de la massification de la production, le luxe l’est-il encore ? Si la question reste ouverte, les réponses ne manquent pas entre créativité renouvelée et redéfinition des approches culturelles.

Pierre Hardy, Sneakers, Paris, collection automne-hiver 2014
Veau estampé, peau vernie et fourrure. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Don Pierre Hardy, 2016
© MAD, Paris / Jean Tholance

À une époque où se mêlent sans hiérarchie le high and low, le luxe s’exprime dans une diversité totale, le métissage et la mixité des références. L’extravagance des souliers de Christian Louboutin voisine avec l’influence constructiviste des sneakers de Pierre Hardy, leurs patronymes sont devenus des substantifs. Le streetwear ne fait plus peur, intégré par Christelle Kocher dans un esprit Couture, et le malletier Rimowa et la marque Supreme collaborent pour créer des lignes vendues en un instant. Les préoccupations contemporaines s’invitent, le recyclage astucieux est une des motivations des ateliers petit h lancés en 2010 : redonner une autre vie aux objets à partir des éléments constitutifs des icônes de la maison Hermès. Le luxe se réinvente.

Luxe aux mille facettes

Mellerio, Paire de bracelets Serpents, Paris, vers 1860
Bracelet noir (présenté dans l’exposition) : or, émail, rubis, émeraudes, spinelles. Paris, collection Mellerio
© Mellerio

De siècle en siècle, l’art de la parure est une composante essentielle du luxe. Dans ce domaine, depuis le XIXe siècle, le renouvellement esthétique est permanent, porté par la passion ancienne pour les matières précieuses, l’engouement pour les recherches formelles et artistiques, les avancées technologiques, dans l’horlogerie à l’instar de Breguet. En 1950, Tiffany & Co. invite Jasper Johns et Robert Rauschenberg à créer des vitrines pour son magasin mythique de la 5e Avenue, immortalisé par Truman Capote puis Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany. Giuseppe Penone insuffle sa poésie naturaliste quand Tasaki remet la perle à l’honneur dans des dessins rigoureux. Dans les années 1970, Van Cleef & Arpels se joue des idées reçues en offrant des parures de corail, turquoise et pierres dures. Plus que jamais, la joaillerie contemporaine devient une histoire personnelle, où les créateurs emportent le luxe dans des récits incroyables, des fééries de Victoire de Castellane à l’up-cycling raffiné d’Elie Top.

Matières à réflexion

Jean Dunand, Vase, Paris, vers 1924
Oréum (métal) et laque coquille d’œuf. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Don Nicole Prost, 1985
© MAD, Paris / Jean Tholance

À travers siècles et civilisations, le luxe puise souvent ses origines au cœur de la Nature. Ivoire d’éléphant, corne de rhinocéros, peau de poissons exotiques, cuir de crocodile, fourrure d’animaux sauvages, plumes d’oiseaux rares, diamants ou pierres dures ont longtemps été l’objet de tous les désirs. Aujourd’hui, le rapport à la Nature est radicalement repensé, alors que nombre d’espèces animales sont en voie d’extinction, que maintes matières rares sont dorénavant prohibées. Exposer ces objets du passé n’est pas les célébrer naïvement, mais montrer ces mutations culturelles fondamentales qui imposent déjà aux industries du luxe d’ajuster leurs pratiques aux impératifs du développement durable. Dans la lignée de Jean Dunand, qui avant l’heureuse du retournement fascinant qui fait de la matière la plus noble, la laque, celle qui vient magnifier le matériau le plus commun, la coquille d’œuf, les acteurs du luxe ne peuvent dorénavant qu’accompagner une nouvelle conscience du vivant.

Simple luxe

Issey Miyake, robe Colombe, Paris, collection printemps-été 1991
Satin de polyester, boutons pressions en métal. Paris, Musée des Arts Décoratifs. Achat grâce au soutien de Pierre-André Maus, 2017
© MAD, Paris / Luc Boegly

Dans le Japon d’Edo ou dans le Paris des années 1930, le luxe peut naître du sentiment de l’épure. Depuis le mouvement Arts & Crafts il est admis que l’extrême simplicité des lignes et la rusticité de certains matériaux sont les gages d’un renouveau du goût, un luxe élémentaire. Les objets semblent taillés ou sculptés à même la matière, se faisant nid, arbre ou bloc de glace. Souvent monochromes, les silhouettes jouent de la subtilité des pigments, le vêtement se fait vaporeux et léger comme l’écume : plissés de Madame Grès, toile simple chez Helmut Lang, colombe de satin chez Miyake, corset de lin chez Jacquemus, drapé subtil sur un simple tee-shirt pour Olivier Saillard. Car la simplicité est radicale, Yves Saint Laurent en a montré la voie, de la saharienne au smoking, le véritable luxe ne craint plus de se montrer nu et dépouillé.

Luxe et art contemporain, les liaisons dangereuses

Diamant, Mathieu Mercier, Paris, 2015
Acrylique sur toile. Courtesy Mathieu Mercier
© Mathieu Mercier

Que le luxe se nourrisse de l’art, rien n’est plus communément admis depuis l’Antiquité. Depuis près de trente ans, ces relations se sont pourtant intensifiées, renforcées encore par l’influence grandissante des maisons de luxe dans l’économie de la culture. On a pu disserter à l’infini sur ces liaisons dangereuses qui définissent une partie de l’art de notre temps. Le luxe soutient l’art, d’aucuns diront le vampirise, ce serait en soi une exposition. Pour conclure la présente, trois artistes ont été choisis, jouant de la littéralité sans être littéraux. Pionnière, Sylvie Fleury en a très tôt exploré l’emprise, avec ses Shopping bags, sacs de marques de luxe remplis d’objets trouvés, télescopant société du spectacle et société de consommation. Mathieu Mercier évoque les liens tissés entre marché de l’art et luxe : les œuvres comme les pièces de grand luxe, ici les diamants zoomés jusqu’au vertige, deviennent des valeurs, entre spéculation et distinction. Enfin, le Californien Grant Levy-Lucero modèle un vase vernaculaire qu’il sigle du Numéro 5 de Chanel, parfum inscrit dans la culture populaire, de Marilyn Monroe à Andy Warhol. Archétypal ou scansion du quotidien, le luxe devient une référence artistique en soi.

Le salon du bois

Conçu par le décorateur, collectionneur et céramiste Georges Hoentschel, ce spectaculaire ensemble de boiseries et de vitrines provient du pavillon de l’Union centrale des Arts décoratifs édifié pour l’Exposition universelle de 1900. Il est remonté en 1905, lors de l’ouverture du Musée des Arts Décoratifs dans le pavillon de Marsan. Intitulé « salon du bois », ce décor en platane d’Algérie sculpté de branches d’églantines alterne avec des tentures de soie brochée rose dessinant des lauriers et des églantiers. Pensé comme un cabinet d’amateur d’objets d’art moderne, cet écrin offre l’expérience d’une plongée dans ce qu’est le luxe en 1900 : il exalte le Beau à travers une célébration de la Nature comme inspiration, transcendant la réalité du quotidien. Parures ou bibelots, savamment dessinés, exprimant la virtuosité technique de l’artisanat d’art, les œuvres qui y sont exposées témoignent de la création en France au tournant du XXe siècle, reprenant ici leur présentation originelle.


Vue du pavillon de l’Ucad, attribuée à Eugène Bliault et Georges Hoentschel
Aquarelle et pierre noire. Inv. CD 1781
© MAD, Paris

À l’occasion de l’exposition « Luxes », un dossier vous présente le pavillon de l’Union centrale à l’Exposition universelle de 1900 pour lequel le salon du bois fut construit. De la genèse du projet à son architecture, les différentes salles qui le composaient et ce qu’est devenu le salon du bois avant d’être présenté au Musée des Arts Décoratifs : vous saurez tout sur ce chef-d’œuvre de l’Art nouveau aujourd’hui disparu.

Découvrez le dossier

Le salon des boiseries

Dans le cadre de l’exposition « Luxes­­ », le salon des boiseries offre un volume autrefois fréquent au sein des grandes demeures aristocratiques, aujourd’hui un luxe à la portée d’un petit nombre. Il rassemble un échantillonnage de panneaux de boiseries parmi les plus révélateurs de la riche collection du Musée des Arts Décoratifs, illustrant la qualité de cette production artistique qui formait un écrin aux objets d’ameublement. La France a tôt manifesté une prédilection pour le décor de boiserie où l’excellence de ses artisans en assura le rayonnement dans toute l’Europe. Son matériau se prête à plusieurs techniques de décor : peinture, dorure, incrustations, sculptures. Sa mise en œuvre, longue, requiert les talents de différents corps de métier : architectes, ornemanistes, menuisiers, sculpteurs, peintres et doreurs faisant de celle-ci un décor de prix. Aujourd’hui le luxe est d’y flâner et de se poser face au jardin des Tuileries.


Également présenté dans le salon des boiseries : un lustre monumental, chef-d’œuvre de l’Art déco, réalisé par la Verrerie Cappellin / Venini pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Haut de 4,70 m et pesant 150 kg, tout en verre, bois et métal : découvrez-le "sous toutes ses coutures" grâce à cette impressionnante reconstitution 3D signée TheFullRoom.

Manufacture Cappellin Venini, lustre, 1925 - YouTube
La porte Fourdinois

Haute de près de 5 mètres, cette porte monumentale témoigne de la virtuosité des artisans réunis par l’ébéniste Henri Fourdinois : sculpteurs sur bois, dessinateurs-ornemanistes, marqueteurs, émailleurs, marbriers et bronziers. Présentée à l’Exposition universelle de Paris en 1878 aux côtés d’une porte de style grec, elle rend hommage à la Renaissance, alors considérée comme l’âge d’or des arts décoratifs, par la polychromie de ses matériaux et ses ornements. Achetées en 1885 par l’Union centrale des arts décoratifs pour son futur musée, les deux portes sont aujourd’hui remontées ici, une au fond de la nef et l’autre à l’entrée du salon des boiseries.

Découvrez notre dossier « La maison Fourdinois »

Réinstallation de la porte de style Renaissance : Timelapse - YouTube
Réinstallation de la porte de style Renaissance : interview d'Audrey Gay-Mazuel - YouTube
Réinstallation de la porte de style Renaissance : interview de Benoît Jenn - YouTube
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