
Depuis sa fondation, en 1864, le Musée des Arts Décoratifs a été pionnier dans l’initiative de conserver et présenter l’art japonais en France. Il organise, en 1869, la première grande exposition d’art oriental et notamment japonais. Les missions du musée ont été, dès lors, d’acquérir, préserver et exposer les exemplaires les plus remarquables des arts décoratifs d’Orient et d’Occident, en vue d’inspirer les créateurs contemporains. Cet attrait de l’Occident pour la composition des estampes, la préciosité des porcelaines, l’usage des techniques du grès et du métal et la délicatesse des laques, a permis de renouveler la production artistique en Europe dont l’art qui résulte de cette influence est connu sous le nom de Japonisme. Inversement, lorsque le Japon s’ouvre à l’Occident au début de l’ère Meiji, en 1868, il subit son influence : c’est sur cette période charnière que le visiteur débute son parcours.
L’exposition s’ouvre sur « les acteurs de la découverte » de l’art japonais et le rôle des Expositions universelles dans la transmission de cette culture à partir de 1867, date à laquelle le Japon y participe pour une première fois. Les récits et les collections rapportées par des voyageurs et marchands, à l’instar d’Henri Cernuschi, Émile Guimet, Hugues Krafft, Siegfried Bing, Florine Langweil ou Hayashi Tadamasa, ont également participé à la diffusion d’une grande variété d’objets à travers toute l’Europe : laques, céramiques, estampes, bronzes, paniers, peignes, textiles, papiers peints mais aussi katagami, kimono et tsuba.

La « nature », source d’inspiration chère aux artistes japonais et occidentaux, plonge le visiteur dans l’univers végétal, floral et animal, dont les motifs inspirés par la faune et la flore ont ouvert tout un champ lexical ornemental et symbolique qui a participé au fondement du Japonisme.
Le « temps » et les liens que les japonais entretiennent avec leur propre histoire est illustré à travers le rythme des saisons et la vie traditionnelle à l’époque d’Edō (1603-1868). Les sujets relatifs au quotidien et aux usages, tels que les cérémonies du thé, de l’encens et de la calligraphie ou liés à la spiritualité, convient le visiteur à un moment de contemplation.
En abordant le thème du « mouvement », l’exposition met en exergue la capacité de l’art japonais à saisir l’instant présent et dont les artistes européens se sont emparés. Représenté dans les spectacles de théâtre et de sumo, à travers les costumes, les masques et les estampes, le mouvement s’exprime également par les lignes de certains objets anciens et contemporains. Il se manifeste aussi à travers les échanges commerciaux et artistiques entre la France et le Japon du XVIIe siècle à nos jours. Les productions du mouvement Mingei, à l’exemple du tabouret Butterfly de Yanagi Sori et de la chaise longue en bambou de Charlotte Perriand, en offrent une parfaite illustration.

Enfin, le parcours s’achève avec « les innovations » qui s’illustrent depuis la fin du XIXe siècle avec les procédés techniques japonais traditionnels comme le grès, les laques et le métal et couvrent les domaines du graphisme, des objets et de la mode évoquant ainsi les influences artistiques qui se mêlent aux procédés les plus novateurs. Cette dernière partie convoque les grands noms de la mode des XXe et XXIe siècles ; de Issey Miyake à Junya Watanabe en passant par Paul Poiret, Junko Koshino, Rei Kawakubo (Comme des garçons) et John Galliano.

L’exposition fait voyager le visiteur d’Est en Ouest sur 150 ans d’échanges à travers une présentation inédite de par la grande variété des objets qu’elle rassemble et les œuvres d’artistes majeurs japonais et français qu’elle réunit : Hokusaï, Émile Gallé, René Lalique, Shiro Kuramata, Charlotte Perriand, Ikkō Tanaka.
Elle offre également l’opportunité de pouvoir découvrir les œuvres de sept artisans d’art français qui ont participé à l’exposition « WONDER LAB », présentée par HEART & crafts au Musée National de Tokyo en 2017 : Jean Girel, Michel Heurtault, Sylvain Le Guen, Laurent Nogues, François-Xavier Richard, Pietro Seminelli et Nelly Saunier.
Le Musée des Arts Décoratifs, en retraçant les moments forts de cette histoire d’échanges, au cœur de ses collections d’une diversité et d’une qualité remarquable, rappelle l’évidence des regards croisés entre les manifestations esthétiques entre la France et le Japon par-delà les siècles.